Tulle

Des actionnaires particuliers à la manoeuvre !

En 1834, c’est encore une société d’actionnaires qui offre aux 8700 Tullistes leur nouveau théâtre. Enchâssé dans un immeuble, il peut accueillir à son ouverture 500 spectateurs, 200 aux premières places, 150 aux secondes et 150 au parterre, qui déboursent de 2 francs à 75 centimes. Ramené à 450 places au début des années 1850, le prix des billets les moins chers est relevé à 1 franc. Il dispose d’un café mais également de plusieurs boutiques et appartements, placements lucratifs pour les investisseurs. Convenablement conservé au début des années 1840, il fait l’objet de travaux d’entretien en 1852 et 1879. Au milieu du siècle, les directeurs doivent débourser 20 francs pour venir y jouer, forfait journalier souvent abaissé à 15 ou 10 francs pour encourager les directeurs les moins enclins à s’aventurer trop en avant en Corrèze. Ils peuvent également le louer au mois, moyennant 150 francs, le produit moyen des représentations étant alors estimé à 250 francs, desquels 75 à 80 francs de frais doivent être décomptés. Les amateurs y applaudissent tour à tour les succès de Frédéric Soulié Diane de Chivry et Le Fils de la folle de Soulié en 1862, La Cagnotte d’Eugène Labiche en 1869 ou encore Le Contrebandier d’Alexandre Dumas et La Cigüe d’Émile Augier en 1876.

Un temple Art Nouveau pour le spectacle

Au début des années 1890, après une phase de croissance démographique et économique, Tulle projette de se doter de nouveaux équipements municipaux parmi lesquels un hôtel des postes, une halle et une salle de spectacle. La municipalité mise sur l’emplacement de l’église désaffectée de l’ancien Collège des Jésuites détruit en 1887, quai de la République. De 1899 à 1902, les deux architectes Joseph Auberty et Anatole de Baudot – élève de Viollet le Duc – proposent une architecture totalement innovante en ciment armé. Dépassées les élévations en fer et acier, le théâtre corrézien est le premier édifié avec une telle structure au cœur du Massif central et même en France, appelée bientôt à se généraliser avec le béton armé, garantie de longévité et de sécurité. L’appareil décoratif de vitrail et de céramique de sa façade rappelle la diversité progressive des réalisations régionales au fil de cette Belle Époque. Au monumental observé ailleurs au Puy-en-Velay ou à Clermont-Ferrand est ici privilégié un temple Art Nouveau léger et créatif. Sa physionomie générale s’orchestre autour d’une large travée centrale consacrée aux ouvertures et cantonnées de deux travées latérales en pierres de taille ; au premier niveau, trois portes encadrées de piliers supportant des consoles, au second, un balcon en fer forgé faisant face à trois verrières rectangulaires, et un troisième percé de verrières en arc plein cintre ; le tout coiffé d’un fronton central semi-circulaire. L’ornementation polychrome du céramiste Alexandre Bigot offre toute une gamme de pastilles ocres, blanches et bleues, les verrières présentent de beaux panneaux à fleurs stylisées teintées en jaune, rose ou vert. Le bâtiment Art Nouveau n’en finit toujours pas de régaler les publics. Plusieurs fois remaniés, ils offrent aujourd’hui ses murs à la Scène nationale des Sept Collines.