Issoire

Et l’Histoire débute en Révolution…

Des artistes forains de passage sont repérés pour la première fois à Issoire dès 1739 ! En novembre de cette année-là, ils dressent leur « théâtre de baladins », probablement rudimentaire, en bois, « au-devant du palais ». Sans doute sont-ils imités à leur suite, par d’autres montreurs de marionnettes ou acrobates. Sans doute aussi sont-ils suivis, au gré des traversées du Massif central, par certains de ces premiers comédiens de campagne désireux de parcourir le pays d’Est en Ouest, du Lyonnais au Bordelais. Au terme d’un demi-siècle de théâtromanie partout à travers le pays, il faut toutefois attendre la décennie révolutionnaire et l’élévation des scènes au rang de nouvelles écoles primaires pour adultes pour voir la cité de Basse-Auvergne se doter elle aussi de sa première salle. En 1793, les magistrats autorisent les amateurs locaux à investir l’ancien lieu de réunion de La Société populaire ; cette fois-ci, l’histoire théâtrale issoirienne peut véritablement commencer !

Ouverture de saison avec la fameuse troupe de Cizos !

Le 22 décembre 1839, « la Troupe de M. Cizos a inauguré notre petite salle de spectacle qui, fort heureusement, avait subi de grandes améliorations. Ces échoppes vermoulues, ces bancs brisés, ces planchers disjoints et menaçant ruine, ces peintures éraillées sur ces toiles en lambeaux, tout a disparu. La scène s’est agrandie. L’ouverture de la toile est bien, ses proportions plaisent à l’œil. Le décor du salon que nous avons vu est beau. Quelques pieds de plus d’avant-scène eussent donné plus de développements à la voix des acteurs qui se perd dans les coulisses. Le parterre est commodément assis, mais le plan incliné sur lequel il est placé n’est pas assez incliné. Les premières dont les stalles sont bien disposées devraient être plus élevées ; l’extrémité du parterre serait ainsi moins sombre et la salle produirait un effet plus gracieux. Je n’ai pu concevoir cette espèce d’auvent qui règne dans le plafond et dans tout le pourtour des premières et domine ses stalles. Pourquoi ne pas faire naître la courbure des plafonds sur le parois des murs ; vous eussiez évité ces angles saillans qui projettent des ombres, et votre luminaire si rare eut produit plus d’effet. J’eus facilement supprimé votre lourde rosace et son épais cordon. J’eus mis en place une belle ouverture qui eut facilité le dégagement de ces miasmes fétides que produit toujours une agglomération d’individus et qui équivaudront pour les premières à un quart ou une moitié d’asphyxie là où vous auriez eu un courant d’air qui n’eut fatigué personne. Le coup d’œil eut été parfait si quelques jolies femmes, dont notre pays abonde, fussent venues remplir les vides qu’une trentaine de dames laissaient encore au cordon des premières. On nous avait promis pour tapisser les panneaux, les amours de Girodet ; on ne se fut pas aperçu de l’absence de ce décor, si la réalité eut remplacé la fiction. Les irrégularités de la salle ont, sans doute, forcé la main de l’architecte obligé de laisser vivre ces péchés originels de l’édification première. Il s’est étudié, en confondant des lignes, à faire quelque chose dont nous puissions nous contenter ; nous l’en remercions ; c’est à peu près tout ce que l’on pouvait espérer ».

Journal d’Issoire, le 25 décembre 1839

Le Garnier du théâtre d’Issoire…

« Les nombreux spectateurs qui assistaient, jeudi dernier, à la représentation de Séraphine… ont pu admirer la nouvelle salle de spectacle due à l’initiative de notre maire regretté, à l’habileté et au bon goût de M. Guimbal architecte de la ville et à l’utile coopération de M. Barissa […] Où est notre vieux théâtre ? Qu’est devenue cette petite salle poussiéreuse, décrépite, enfumée que des générations entières d’Issoiriens ont fait résonner de leurs rires francs et joyeux ? À la même place existe aujourd’hui une salle neuve, agrandie, pimpante, très bien décorée et surtout parfaitement éclairée : une salle où les spectateurs sont à l’aise et qu’on peut examiner dans tous ses détails sans y rien remarquer de choquant ou de défectueux. Au lieu de l’unique escalier d’autrefois et quel escalier mon Dieu ! vous en avez quatre qui desservent chaque catégorie de places et les rendent indépendantes l’une de l’autre. M. Guimbal a bien fait les choses. On peut dire qu’avec des ressources modiques il a accompli un véritable tour de force. Il a droit à tous nos remerciements. Dans la mesure des moyens à sa disposition, il a été le Garnier du théâtre d’Issoire […] Dors en paix vieux théâtre, tu as accompli ta tâche et pendant près d’un demi-siècle tu as bien mérité du public ».

Le Moniteur d’Issoire, le 13 septembre 1882